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À propos

 

Issue de la culture du cirque contemporain, Claudel s’inspire d’influences interdisciplinaires pour créer des œuvres posant un regard sur l’ineffable, le délicat et le vertige.

Après avoir évolué en tant qu’artiste aérienne et contorsionniste pour des compagnies telles que le Cirque du Soleil et le Cirque Monti, Claudel a récemment fondé l’organisme de création LION LION pour faire découvrir de nouvelles écritures circassiennes. Nous plongeant au cœur d’œuvres priorisant l’adaptation site specific, la pièce Se Prendre a notamment été présentée dans une multitude d’événements d’envergure en Europe et en Amérique du Nord au cours des dernières années.

Collaborant également en tant que metteure en scène avec l’École nationale de cirque pour de nombreux projets, c’est avec un grand intérêt qu’Anne Plamondon a reçu Claudel en entrevue pour en apprendre davantage sur celle-ci et son parcours.

 

Crédit photo: Cooper Lee Smith

Entrevue

 

A: Je suis vraiment contente de te parler parce que je ne te connais pas et j’ai vraiment l’impression que je vais aimer découvrir qui tu es.

Quel a été ton premier contact avec les arts vivants?

 

C: D’abord, n’importe qui me connaissant pourrait dire que ma mère est un show en soi (rires). Tout le monde la connaît parce qu’elle est au théâtre 3-4 fois par semaine puisqu’elle est une junkie de ce type d’événement. Elle m’amenait voir des spectacles dans son snugli quand j’étais petite donc, pour moi, les spectacles et les arts sont hyper organiques et font partie de ma vie, comme manger et dormir.

Après, il y a des moments clés qui ont articulé l’intensité de l’intérêt que j’avais pour les arts vivants. C’est indéniable de nommer les premiers shows de La La La Human Steps que j’ai vus. Pour moi, c’était ça mes Backstreet Boys.

A: Ah ok (rires).

C: C’est vrai, je suis revenue chez moi et j’ai découpé le programme pour le coller partout dans ma chambre. J’avais 9 ans et je me suis mise à ramasser mon argent de poche pour y retourner. C’était vraiment un gros truc.

En parallèle, il y avait les spectacles de fin d’année de l’École nationale de cirque (ÉNC). Ma mère m’y amenait et pour moi, c’était un huge deal alors que c’est juste un spectacle de fin d’année d’école (rires). Ce sont deux événements qui ont eu un effet choc.

A: Wow. C’est intéressant que ce soient d’abord des spectacles de danse qui t’aient marquée et que tu aies choisi le cirque par la suite. Est-ce que je me trompe?

C: Je faisais de la gymnastique lorsque j’étais jeune et j’ai décidé d’aller vers le cirque parce qu’à 9 ans, je trouvais que le passage de la gymnastique au cirque serait plus rapide. Quand j’y pense, c’est tellement ridicule de se dire à 9 ans que j’étais trop vieille pour commencer à faire de la danse (rires).

A: (rires) C’est tellement pas le cas.

C: Tout au long de mon parcours, j’avais l’impression d’être la danseuse à l’école. Je n’allais pas voir de shows de cirque parce que je n’allais voir que des shows de danse. Encore maintenant, il y a une grosse question qui reste à savoir si ce que je fais c’est du cirque. Le vocabulaire acrobatique était pour moi une forme de vocabulaire chorégraphique, c’est juste qu’il était dans un contexte qui faisait que l’on appelait cela du cirque. C’était du tissu aérien et du tissu aérien, c’est du cirque et non de la danse.

Je n’ai jamais été une grande acrobate ou une grande technicienne. Ce qui m’intéressait était toujours la recherche du vocabulaire, pas par la prouesse, mais plutôt par le chorégraphique.

 

À quoi rêvais-tu lorsque tu étais jeune?

 

C: Étrangement, j’ai grandi dans un environnement alternatif où il y avait une vaste ouverture d’esprit et on dirait que cela m’a fait me placer en opposition pendant une bonne partie de mon enfance. J’étais très conventionnelle, je voulais que mes cheveux soient bien droits, je faisais de la gymnastique, je voulais aller aux Olympiques: je voulais que ma vie ressemble à une pub de Canadian Tire.

A: Ah wow (rires). C’est génial. Mais ce n’est pas rare que l’on ait tendance à aller à l’encontre du type d’éducation que l’on reçoit. Tu avais une mère qui semblait être dans la liberté, la créativité, l’ouverture, la culture et toi ta tendance était de placer les choses. C’est fantastique, elle a l’air géniale ta mère.

C: Oui et on ne peut pas passer sous silence qu’un des projets sur lequel je travaille actuellement, Coconut, explore des canaux de communication entre mères et filles. Ces temps-ci, je monte un documentaire, entre autres, sur ma mère.

A: Mais c’est tellement intéressant!

C: La première étape est le court métrage et on va amener le tout plus loin dans les prochains mois ou les prochaines années. Ce sera un projet tentaculaire.

A: Est-ce que ta mère a semé une graine pour que tu poursuives une carrière artistique?

C: C’est toujours un mixte d’événements et d’accidents. À un moment, j’ai voulu arrêter la gym. Ma mère m’a dit: « tu pourrais peut-être commencer l’École nationale de cirque ». C’est une école qui a un programme d’entraînement très sportif et rigoureux et donc, j’ai fait un passage très smooth d’un à l’autre. D’un coup, je ne faisais plus du sport: je faisais de l’art.

Ensuite, je suis allée à un collège privé où j’ai compris la limite de mon envie d’être conventionnelle (rires). Le jour où l’on m’a dit de mettre un costume et d’être d’une certaine manière, j’ai voulu fuir cet environnement. J’ai demandé à aller dans le programme de sport intensif de l’ÉNC, principalement pour partir de ce collège.

Au final, je n’ai pas fait de choix extrêmement radicaux avant… Limite mes trente ans. J’ai suivi le cursus de l’école, j’ai travaillé au Cirque du Soleil, aux 7 Doigts et dans des compagnies semblables à l’international. Tout s’est enligné de façon très ordinaire, mais aussi, exemplaire. J’étais dans le chemin que l’on avait tracé pour quelqu’un de mon profil et j’avançais là-dedans.

C’est au moment où j’ai commencé à faire de la mise en scène que j’ai pris le guidon et que je me suis dit: “non je ne vais pas continuer à faire cela, je suis tannée”. C’est là que j’ai commencé à assumer des choix artistiques plus radicaux.

A: Avant que je te demande ce qui t’inspire le plus dans ton travail, il faut que tu me dises ce qu’est ton travail pour que je comprenne concrètement ce que tu fais. Tu as fondé la compagnie de création et production LION LION, c’est bien cela?

C: En fait, j’ai commencé à faire de la mise en scène il y a de cela à peu près 5-6 ans et j’ai fondé LION LION en 2019.

A: Ok, je comprends. Tu crées des shows de cirque et le cirque touche à la danse, au théâtre, à la gymnastique et à plein de choses. Donc finalement, le terme metteure en scène, c’est le meilleur terme parce que si on dit « chorégraphe », ce n’est pas représentatif. Metteure en scène, c’est global: ça comprend tout.

C: À défaut d’avoir trouvé un meilleur titre, je suis là-dedans (rires).

A: Et tu fais principalement des solos? Des duos? Est-ce que tu performes dans tes œuvres?

C: Oui, je performe encore souvent dans mes œuvres. Je dirais que ma démarche a deux pans: les projets que je fais avec LION LION qui sont mes créations et les projets que je fais qui sont des commandes. Les projets qui me ressemblent le plus sont ceux de LION LION et sont toujours interdisciplinaires, presque toujours des projets site specific.

J’ai performé pendant 10 dans de gros spectacles commerciaux de divertissement: mes projets se situent aux antipodes de ce type de spectacle. C’est sûrement un peu en réaction à cela… Si je ne sens pas une urgence de pertinence dans ma démarche, cela ne m’anime pas. Le plus souvent, la réponse à cette crise de pertinence est des projets qui abordent le thème de l’intimité.

Le projet de LION LION qui a eu le plus de visibilité a été Se Prendre, qui est une performance d’appartement. Il s’agit d’un duo avec moi et un monsieur qui s’appelle Cooper Lee Smith, co-créé avec Félix-Antoine Boutin. On a fait une exploration de l’intimité et de la rencontre d’un point de vue existentiel. Cette pièce s’est créée chez moi, dans mon appartement, devant 10-12 spectateurs. C’était un pied de nez à plein de choses: à la marchandisation de l’art et aux injonctions de certaines esthétiques dans le milieu du cirque.

On pensait jouer cela trois fois chez nous et finalement, on a fait une grosse année de tournée et la seule raison pour laquelle nous avons arrêté est parce qu’il y a eu la COVID. C’est le paradoxe de ce projet qui se voulait un essai sur la décroissance, en réaction aux injonctions du divertissement capitaliste et qui a finalement beaucoup roulé.

A: Ça veut dire que tu as touché quelque chose (rires).

C: Il y avait peut-être quelque chose de pertinent dans cette conversation qu’il y avait lieu d’avoir, tant du point de vue des programmateurs que du public. Ça proposait un glitch et nous étions heureux de voir que notre questionnement avait une résonance.

Autrement, nous étions en résidence plus tôt aujourd’hui. Nous travaillons sur un projet de promenade qui aborde les thèmes de l’impermanence, de l’invisible et du déplacement en tant que postures philosophiques et sociales de l’idée de faire un pied de nez à la fixité. Nous voulons voir l’errance comme une posture philosophique.

Ce projet est littéralement une promenade improvisée: c’est un code et une structure que nous développons à 4 interprètes. Chaque fois que nous arrivons dans un quartier, nous jouons avec les outils que l’on a pour écrire une nouvelle performance. L’idée est d’être à l’écoute des potentiels poétiques qui sont présents autour de nous pour voir ceux-ci sous une nouvelle perspective.

A: Tu parles de cela et j’entends que ta recherche est dans l’interdisciplinarité et c’est évident parce que ce sont des choses qui pourraient se manifester à travers la danse, le cirque ou les arts visuels, quelque chose de plus performatif. Je l’entends très bien et c’est très clair.

C: C’est certain que j’ai une aisance avec le vocabulaire du cirque parce que c’est ce que j’ai mis dans mon corps le plus longtemps. Je ne pense pas que ce soit toujours le meilleur vocabulaire pour parler de ce dont je veux parler et je le dis souvent à mes étudiants à l’ÉNC: as-tu besoin de faire un numéro là-dessus où tu veux écrire un poème? Parce que c’est vraiment correct d’écrire un poème (rires). Ou si tu veux faire du militantisme: est-ce que c’est avec ton numéro de cirque que tu veux faire du militantisme? Tu devrais peut-être prendre le téléphone et appeler ton député. Je trouve que ce sont des questions qui sont pertinentes à se poser.

A: Mais l’art est quand même toujours un bon moyen pour dire certaines choses et poser certaines questions.

C: Absolument! Et je trouve que c’est un très bon outil pour être dans des espaces qui ne sont pas fixes, pour se poser des questions et jouer avec celles-ci sans y répondre avec des mots. Mon interdisciplinarité vient beaucoup de là. Est-ce que je vais vraiment arriver à parler de l’intimité en faisant du main à main? Oui. Mais est-ce que je vais être capable de parler de cet autre aspect de l’intimité? Non. Ah bon, alors nous allons faire un court extrait de texte pour le faire. On dirait que cette question, je ne me la pose même pas mais c’est un truc que je dois fréquemment expliquer aux gens.

 

Quels sont les plus grands défis que tu as rencontrés dans ta carrière?

 

C: Beaucoup de gens associent le cirque à “Wow wow pataclaw, feux d’artifices, spectacles de Noël, amenez toute la famille”. Les festivals de cirque, les théâtres qui programment du cirque : beaucoup d’entre eux en programment deux par année: un à Noël et un à l’été. C’est associé à quelque chose de léger, de festif et d’excitant.

Moi j’arrive avec des projets plus darks, plus lents, qui s’adressent à des adultes et en plus : tu ne feras pas de cash avec mes shows parce qu’il y a 12 spectateurs en moyenne et il faudra trouver un appartement, une ruelle ou une bibliothèque (rires). Je ne fitte pas partout et je ne réponds pas aux attentes des programmateurs de cirque qui cherchent le « Blockbuster ». Et je ne suis pas vraiment insérée dans le milieu de la danse ou du théâtre. C’est une des embûches à auxquelles je me frappe. En même temps, j’ai du plaisir à être cette personne.

A: C’est stimulant pour toi?

C: Oui. J’aime essayer d’ouvrir des espaces et interroger les a priori. Tu sais, j’ai profondément confiance en l’intelligence des gens, des programmateurs et du public. C’est d’autant plus satisfaisant quand tu arrives avec une proposition qui est à l’opposé de l’esthétique dominante et que tu te rends compte que reçu, compris et apprécié et que la question que tu te posais trouve écho dans le monde. Là, tu te sens pertinente.

Avec Se Prendre, j’ai eu un peu cette impression de participer à l’ouverture d’une brèche et j’espère qu’il y a d’autres créateurs et surtout créatrices (!) qui pourront ensuite passer par cette brèche.

Je dis aux étudiants de l’ÉNC: “Ce n’est pas parce que tu es une fille de 19 ans que tu ne peux pas faire de mise en scène. Ce n’est pas vrai que tu es obligée de passer par le chemin par lequel on te dit de passer”. Il faut que l’on ait plus de voix différentes dans notre milieu et des propositions qui vont dans toutes les directions. Il faut arrêter d’avoir l’idée que c’est cela qui se fait et que le reste ne se fait pas. Quand j’arrive à me dire que j’ai un peu contribué à changer cela, je suis fière.

A: Tu dois être inspirante pour les élèves.

C: Je ne cherche pas à être inspirante, mais si je peux leur éviter de perdre quelques années à faire ce qu’ils pensent qui est attendu d’eux et d’elles, cela me ferait vraiment plaisir.

 

Quelles ont été les rencontres marquantes dans ton parcours?

 

C: Pour moi, rencontrer la danse c’était toute une chose.

À l’adolescence, c’était l’époque des raves. Pour moi, c’est LE moment où j’ai rencontré la danse. J’ai alors compris que je pouvais vivre, ressentir et exprimer des choses par mon corps, qui n’avaient rien à voir avec ma tête, qui avaient quelque chose à voir avec mon cœur mais que mon corps pouvait réfléchir et processer des choses par lui-même. Et moi, à 15 ans, il s’en passait des choses dans ma tête et dans mon cœur. C’était peut-être un peu trash, mais moi à 15 ans j’allais dans des sous-sols d’églises et je dansais des 15 heures de suite. Cette rencontre a été vraiment forte pour moi.

Maintenant, quand je vois quelqu’un danser, il y a cette compréhension synesthésique du geste, qui a un sens et qui est un langage que l’on ne peut pas traduire avec des mots.

Ensuite, comme événement ou personnes marquantes : on dirait que je veux faire un groupe de ces personnes qui m’ont fait confiance alors que moi je ne me faisais pas confiance.

A: Ta mère?

C: Oui, comme ma mère qui me disait: “tu veux faire cela?”. Et elle ouvrait simplement la porte en me disant de le faire. Je pense aussi au personnage imposant qu’est Daniela Arendasova, directrice pédagogique de l’ÉNC. Cette madame très autoritaire et impressionnante m’a vu à l’âge de 9 ans et elle m’a suivie jusqu’à ce que j’aie 18 ans à l’école. Quand je me remettais en question, elle me pointait vers l’avant et c’est fou parce que récemment, j’ai monté un projet à l’ÉNC et je n’étais vraiment pas certaine. Même à trente ans, elle m’a fait le même speech que lorsque j’étais jeune en me disant: “là tu te relèves le menton et tu fais ce que tu as à faire”. Elle me faisait confiance et elle croyait en moi.

Et pareil est le cas d’Howard Richard, ancien directeur artistique de l’ÉNC ou de LA SERRE – ARTS VIVANTS, qui ont été les premiers à me donner des missions de mise en scène alors que moi je pensais que je n’étais pas prête. Ils m’ont mis un groupe et un mandat entre les mains. Même chose pour mes partenaires de création et les festivals qui ont accueilli les premières de mes shows.

Tous ces gens qui ont eu confiance en moi, avant que moi j’aie confiance en moi ont été extrêmement importants pour moi.

 

Si tu avais la possibilité de choisir une loi qui serait appliquée au Québec: que ferais-tu et pourquoi?

 

C: Je pense que si je pouvais appliquer une nouvelle loi, ce serait qu’il est obligatoire de connaître le nom de ses voisin-es.

A: Ah oui (rires)?

C: Par cela, entends-moi (rires). J’ai l’impression qu’il y a vraiment un effritement du tissu social autour de nous. On voit de plus en plus l’autre comme un ennemi. Comme on ne le connaît pas, on ne le comprend pas. Connaître le nom de ses voisin-es veut dire que tu sais que Jacqueline au coin de la rue travaille de nuit et que c’est pour cela qu’elle fait la gueule le matin lorsque tu passes ta tondeuse.

Et souvent, lorsque l’on côtoie la “différence” (je n’aime pas ce terme) malgré les idées reçues que l’on peut avoir à propos d’une personne, quand on découvre un-e individu-e, on découvre un système de valeurs qui est souvent plus près de nous que ce que l’on pensait. Il y a tellement de problèmes qui seraient réglés si on était simplement prêts à se rencontrer et à s’écouter.

En côtoyant d’autres perspectives, tu es amené à réfléchir à tes propres choix et opinions, ce qui t’aide à te repositionner et à élargir ta réflexion.

Quand tu as la chance d’avoir quelqu’un autour de toi et pas seulement l’écho d’une conversation à son sujet, tu comprends mieux sa position, même si tu n’es pas d’accord. Quand tu as un mononcle de droite, souvent tu comprends mieux pourquoi des penchent vers la droite. Et cela ne veut pas dire que tu vas devenir de droite mais tu vas au moins avoir le respect d’écouter la conversation : tu vas pouvoir argumenter tes points mais aussi comprendre d’où viennent ses frustrations. C’est la même chose avec tellement de questions.

A: Ce que j’entends de ce que tu me dis est de retourner à l’humain. Le changement commence par soi-même. C’est au niveau de notre capacité à connaître le nom de notre voisin. Notre capacité d’ouvrir notre cœur et d’avoir de la compassion pour les autres. Je trouve que tu l’as bien dit: on est tellement dans l’individualisme que l’on a peur des autres, de nos voisins. Donc si on était capable de se reconnecter à des valeurs d’humanité, peut-être que les “lois” seraient premièrement plus faciles à respecter parce que l’on ne se forcerait pas pour le faire.

C: Oui. Je crois que la rencontre peut parfois faire le travail d’une thérapie. En ce moment, je travaille dans un CHSLD à temps partiel, j’y ai passé l’Halloween et je travaillais avec des femmes voilées ce jour-là qui étaient déguisées en sorcières par dessus leur hijab. Il y avait une rencontre par-delà le débat: moi je suis là avec mon look hipster et elle est là avec son identité et on veut que les résident-es soient bien et on a envie de rire, that’s it. Cette rencontre-là vaut mille arguments et elle réduit mille conflits en poussières.

 

Si tu avais un conseil à donner à un ou une artiste, lequel serait-il?

 

C: D’un: y aller. Pas trop y penser (rires). Un des trucs qui m’a pris du temps à réaliser et qui a été une vraie épiphanie a été que : tu ne deviendras pas ton artiste préféré-e, tu vas juste devenir toi. Il faut avancer en sachant que tu vas continuer d’admirer du monde autour. Tu n’as pas besoin de leur ressembler (rires).

Et aussi, d’ouvrir les yeux sur tout ce qu’il y a à ta disposition. Que ce soit tout ton bagage d’entraînement ou ta communauté. Tu peux faire un show dans ta salle de bain parce que tu as une salle de bain. Tu as Google, donc tu tapes “Google aide subvention” ou tu appelles En Piste. Il y a plein de choses qui sont à ta portée donc aies juste l’audace de te dire que c’est à toi que cela s’adresse.

Mets le pied dans les opportunités parce que oui: c’est à toi que ça s’adresse.

Il n’y a personne qui sait plus que toi comment faire un budget la première fois. Tout le monde a fait cela n’importe comment. Vas-y, bricole, parce que tout le monde bricole anyway. N’attends pas dix ans parce que tu n’as pas osé. Appelle-moi (rires). Je vais te le dire il est où le formulaire. Il ne faut pas laisser des choses qui ne sont pas de vrais obstacles en être.

A: Super, ce sont de très bons conseils. Ce fût un vrai plaisir de te rencontrer Claudel.

C: Pareillement!

 

Un mot de l’équipe

 

Cette entrevue a été pour nous un moment privilégié de rencontre et de découverte, où la générosité de Claudel et Anne nous a également permis de nous recentrer sur l’importance de l’art dans nos vies. Ce partage d’expériences et de vécus représente plus qu’une simple entrevue et nous tenons à vous remercier de vous être prêtées au jeu.

Si vous aimeriez découvrir d’autres artistes par le biais de nos entrevues, nous vous invitons à consulter notre rubrique Articles Diagramme. Nous vous invitons à vous abonner à nos pages web pour demeurer informé(e)s. Vos idées et commentaires sont les bienvenus, en espérant que vous ayez aimé lire cette entrevue.

Propos recueillis et transcription par Philippe-Laurent Lacroix, responsable des communications chez Diagramme.

 

Crédits: Interprètes: Claudel Doucet et Cooper Lee Smith|Photo © Guillaume Langlois